Gégé collectionne les moissonneuses-batteuses
Gégé collectionne les moissonneuses-batteuses
Léonard de Vinci aurait pu inventer le principe de la moiss'batt' » qui consiste à couper, battre, séparer, secouer, calibrer et ensacher. Et sur le fond, à soulager la peine des hommes.Gégé de la ferme de la Deumière, à Martigné-Ferchaud (Ille-et-Vilaine)
Reportage par François SIMON.
Martigné-Ferchaud - 15h17 jeudi 6 août 2015
Pour Gérard, « Léonard de Vinci aurait pu inventer le principe de la moiss'batt' ». | Philippe Chérel
Une bête comme ça se négocie autour de 1 000 €. Et ça redémarre au bout d'un ou deux mois, avec de l'huile de coude, de la patience, « avec des bouts de ficelle, du fil de fer et des cales en bois ». | Philippe Chérel
La moissonneuse-batteuse ne court pas les rues. Mais gégé, lui, en est fou, et les collectionne. Il en a 25 dans sa ferme, à Martigné-Ferchaud.
Gégé, il les regarde avec amour. Il les connaît toutes, non pas comme s'ils les avaient faites. Il s'est contenté de les défaire. Il les a désossées, démontées, décoincées, dégrippées. Dénichées surtout. Car la moissonneuse-batteuse ne court pas les rues. Pas plus que les chemins de campagne.
25 engins
Elles dorment à la cloche de bois, sous la poussière du temps au fond d'une grange. Elles rouillent au pays des mémoires mortes. Elles attendent un Gégé.
Le Gégé est rare : il en pince pour les moissonneuses-batteuses. Il les collectionne. Il en a vingt-cinq. Vingt-cinq chantiers. Vingt-cinq énigmes. Vingt-cinq bonheurs. Dans la vie vraie, il s'appelle Gérard Gauthier, il est typographe de presse. Dans la vraie vie vraie, c'est Gégé.
Gégé de la ferme de la Deumière, à Martigné-Ferchaud (Ille-et-Vilaine). Gégé dont la mère disait : « Il fait tout de ses mains. »
Catherine, sa femme, l'admire aussi : « On a l'impression de vivre dans une société de photocopies, sauf avec un homme comme lui. Il ne ressemble à personne. » Jolie déclaration. Catherine insiste : « Je n'ai jamais, jamais vu Gégé acheter un truc neuf. Il ne peut pas. »
Gérard est rare : il en pince pour les moissonneuses-batteuses. Il les collectionne. Il en a vingt-cinq. Philippe Chérel
Bouille de Trente Glorieuses
Son truc, c'est l'antiquité vaillante, le vintage, l'occasion qui fait le larron. En un mot : la moissonneuse-batteuse. Mais pas les monstres à la Mad Max qui vous avalent une plaine d'Ukraine en deux passages, robotisés jusqu'au trognon.
Non, la moiss'batt' de son coeur est une balourde encore élégante, très XXe siècle, avec un moteur « simple comme celui d'une deux chevaux mais dangereuse comme une bombe à essence ».
Elle a une bouille qui a celle des Trente Glorieuses (1945-1975), juste avant le remembrement : « Quand les paysans n'y croyaient pas car ça n'allait jamais passer sous les branches des pommiers. » En fait, Gégé aime « les beaux objets », beaux comme des témoins. Des balises balèzes. Beaux comme l'enfance, enfin la sienne, du côté de Redon, chez sa grand-mère qui avait une belle grange où hivernaient les avaleuses de paille et de grain qui crachaient des nuages de poussières d'orge et de blé.
Braud A 2080, construite à Saint-Mars-la-Jaille (44) en 1958. | Philippe Chérel
« Léonard de Vinci aurait pu inventer le principe »
Lui, petit bonhomme, leur soulevait le capot. Il y avait, là-dessous, une ingéniosité incroyable : « Léonard de Vinci aurait pu inventer le principe de la moiss'batt' » qui consiste à couper, battre, séparer, secouer, calibrer et ensacher. Et sur le fond, à soulager la peine des hommes.
Les siennes, il les a trouvées sur le site du Bon Coin ou Agri Affaires mais « rien ne vaut le réseau du bon copain ». Une bête comme ça se négocie autour de 1 000 €. Et ça redémarre au bout d'un ou deux mois, avec de l'huile de coude, de la patience, « avec des bouts de ficelle, du fil de fer et des cales en bois ».
Ça redémarre fatalement dans un joyeux bruit de chalutier ou de rotative, une bande-son très mélodieuse : « Les lames de scies assurent la saccade, les rabatteuses tournent plus lentement sur un rythme de charleston. Le moteur fait la basse. En fait c'est un orchestre qui roule en décapotable et fait pleuvoir des nuages de poussières. » La classe. Un son et poussières. Cet été, comme tous les étés, les moissons ont commencé à la Sainte-Berthe.
Gégé et ses amis ont bichonné les belles de la Deumière. Car elles vont parader le 9 août. Notamment la Guillotin de 1944, 3,5 tonnes de rareté, dont six exemplaires seulement sont répertoriés en France.
« Une moissonneuse-batteuse ne se conduit pas. Ça se mène », explique Gérard Gauthier. | Philippe Chérel
Chevalerie heureuse
Gégé cherche une Garnier 220, une trapue, toute basse, conçue pour passer sous les branches des vergers. Et il vous fait ce cadeau : vous installer au volant, dominer le monde à trois mètres de haut, sentir le ventre de la bête qui rugit sous vos pieds. Et lâcher les chevaux.
Quatre tours de champ plus tard, vous avez compris ce qu'il a susurré en vous confiant les rennes de sa belle sauvage, une Garnier bleu de France : « Une moissonneuse-batteuse ne se conduit pas. Ça se mène. »
Tous les preux de l'orge, du blé et du colza, on peut le dire, semblent avoir un grain. Ils forment surtout une chevalerie modeste, chaleureuse et irremplaçable. Ils sont heureux.
Rousseau D25, fabriquée en série à Orléans sous licence Jeantil, en 1960. | Philippe Chérel
Massey Ferguson 31, construite en Allemagne en 1964. | Philippe Chérel
Garnier GT 1200, construite à Redon en 1969. | Philippe Chérel
Lanz MD 18 S construite à Mannheim en Allemagne en 1957. | Philippe Chérel
Case SP9 Grain, importée des USA (Wisconsin) en 1948. | Philippe Chérel
Braud 2065, fabriquée à Saint-Mars-La-Jaille (Loire-Atlantique) en 1951. | Philippe Chérel
Première fête à Martigné L’association « Les anciennes mécaniques agricoles de la Rocheaux-Fées » sort la grosse cavalerie, dimanche 9 août. Les vingt-cinq moissonneuses-batteuses de ces mordus de paille et de grain sont de sortie pour une première édition des fêtes de la moisson. De 10 h à 20 h, à Martigné-Ferchaud, au lieu-dit la Deumière (Ille-et-Vilaine). Les machines battront et les accordéons joueront. Une tombola met en jeu un tracteur de collection : un fameux Massey-Ferguson de 30 CV. Entrée 4 €. Gratuit pour les moins de 12 ans. Renseignements : 06 30 95 26 84.
http://www.ouest-france.fr/insolite-gege-collectionne-les-moissonneuses-batteuses-3606018
De battre le coeur ne s'arrête pas
Les uns font dans la miniature, les autres...........
JMC jeudi 6 août 2015
FIN
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